Le succès d’un projet ne repose pas uniquement sur la qualité technique de sa réalisation ou le respect des délais et budgets. Un aspect souvent déterminant, mais parfois sous-estimé, est le management des parties prenantes. En effet, ces dernières constituent un véritable écosystème portant une influence majeure sur les tenants et aboutissants des plans envisagés. À chaque étape, il convient alors de les impliquer à bon escient afin d’optimiser la collaboration. Négliger cet aspect peut entraîner des résistances, des malentendus et, ultimement, compromettre les objectifs. Dans cet article, nous allons explorer les stratégies essentielles pour gérer avantageusement les différents acteurs du projet. Nous mettons un accent particulier sur l’identification et l’analyse de ces derniers dans l’optique d’expliciter un plan de gestion adapté et efficace.
Identifier les différentes parties prenantes dans le projet
Pour contribuer à une gestion de projet fonctionnelle, la première étape cruciale est de déterminer clairement qui sont les acteurs concernés. Cette cartographie humaine et organisationnelle servira de base pour l’ensemble du management des parties prenantes.
Définition des parties prenantes d’un projet
Une partie prenante (ou stakeholder en anglais) désigne tout individu, groupe ou organisation qui peut affecter, être affecté par, ou se percevoir comme étant affecté par une décision, une activité ou le résultat d’un projet. Leur influence peut être positive ou négative, directe ou indirecte. Comprendre cette définition large est fondamental dans le cadre du management de projet, car elle oblige à regarder au-delà de l’équipe immédiate et du client final.

Les parties prenantes internes
Ce sont les acteurs appartenant à l’organisation qui mène le projet. On y trouve typiquement :
- Le chef de projet : responsable de la planification, de l’exécution et de la clôture du projet.
- L’équipe projet : les personnes qui réalisent concrètement le travail.
- Le sponsor ou commanditaire : celui qui finance le projet et en défend la légitimité au sein de l’organisation. Il est communément un décideur clé.
- La direction générale : qui définit la stratégie globale dans laquelle s’inscrit le projet.
- Les managers fonctionnels : les responsables des départements dont les ressources (humaines, matérielles) sont nécessaires au projet. Leur collaboration est essentielle, relevant souvent du management fonctionnel.
- Les employés : ceux qui peuvent être affectés par les changements induits par le projet (nouveaux outils, processus, etc.). Leur adhésion est parfois critique pour l’adoption des livrables.
Une bonne gestion de ces entités internes facilite la mobilisation des ressources.
Les parties prenantes externes
Elles se situent en dehors de l’organisation pilote.
- Les clients ou utilisateurs finaux : ceux pour qui le projet est réalisé. Leurs besoins sont au cœur du projet.
- Les fournisseurs et partenaires : ils fournissent des biens ou des services nécessaires à la réalisation.
- Les organismes de réglementation ou autorités publiques : ces entités imposent des normes ou des contraintes légales.
- Les actionnaires ou investisseurs : ils sont intéressés par la performance financière et la valeur créée.
- Les concurrents : qui peuvent réagir aux initiatives du projet.
- Le grand public ou la communauté locale : surtout pour les projets ayant un impact social ou environnemental.
Le management de projet doit tenir compte de ces influences externes.
Les principaux intervenants
Parmi les parties prenantes, certaines ont un rôle prépondérant. Le chef de projet, le sponsor et le client principal forment souvent le triangle décisionnel majeur. Il peut également s’agir d’autres entités dont les besoins impactent la réussite du projet. L’identification précise de ces acteurs clés est une tâche centrale de la gestion des parties prenantes et présente un effet direct sur la stratégie globale.
Comprendre l’impact des parties prenantes dans le management de projet
Intégrer activement le management des parties prenantes dans la gestion de projet ne relève pas d’une formalité administrative. Cette stratégie proactive maximise les chances de succès. Son importance découle de plusieurs bénéfices directs et indirects qui touchent toutes les phases du cycle de vie d’un projet.
Bénéfices stratégiques du management des parties prenantes
Le management des différents acteurs permet une meilleure définition et une compréhension des exigences. En dialoguant tôt et régulièrement avec ces derniers, vous bénéficiez d’une vision plus complète et nuancée de leurs besoins, attentes et contraintes. Cela évite les malentendus coûteux et les révisions tardives. Vous assurez ainsi que le produit final corresponde réellement aux attentes des parties concernées.
La gestion des parties prenantes est un outil puissant de maîtrise des risques. Identifier les acteurs potentiellement opposés au projet, comprendre leurs motivations et anticiper leurs réactions induit la mise en place de stratégies d’atténuation. Transformer un sceptique en allié peut sécuriser des ressources ou faciliter l’adoption. C’est un pilier de la robustesse du management de projet.

Engagement, ressources et qualité décisionnelle
Le management des parties prenantes favorise l’alignement et l’adhésion. Un projet impacte souvent différentes fonctions ou des départements. Communiquer clairement la vision, les objectifs et les bénéfices du projet à tous les concernés aide à créer un sentiment d’appropriation collective et de réduire les résistances au changement. Dans ce cadre, l’engagement actif est un moteur clé.
Considérer les différents acteurs du projet optimise l’allocation des ressources. En comprenant qui détient le pouvoir et l’influence, le chef de projet peut mieux négocier l’accès aux ressources critiques (personnel qualifié, budget, équipements). Le soutien actif des sponsors et des managers fonctionnels, cultivé grâce à une communication ciblée, est en général indispensable.
Enfin, un management des parties prenantes au point améliore la prise de décision. En disposant d’une vision claire de l’écosystème du projet et des intérêts en jeu, les arbitrages, les changements de périmètre s’avèrent plus éclairés et tiennent compte de l’impact sur chaque groupe. Cela renforce la légitimité et l’acceptation des choix faits dans le cadre du management de projet. En somme, négliger cette dimension revient à naviguer à vue dans un environnement complexe et potentiellement hostile.
Analyser efficacement les parties prenantes dans le management de projet
L’étape suivante, pour un management des parties prenantes pertinent, est de les analyser en profondeur. Cela permet de comprendre leur positionnement par rapport au projet et d’adapter les stratégies d’engagement. Plusieurs outils et approches peuvent être mobilisés par le chef de projet dans ce cadre.
Définition de l’analyse et points clés
L’évaluation des caractéristiques de chaque acteur identifié se base sur les principaux points suivants.
- Les besoins et exigences : ce que la partie prenante attend concrètement du projet.
- Les attentes : souvent moins formelles, elles concernent la manière dont le projet va se dérouler, la communication, etc.
- Les intérêts : pourquoi le projet est important (ou non) pour cette partie prenante ? Quels bénéfices ou inconvénients en retire-t-elle ?
- Le niveau d’influence ou de pouvoir : sa capacité à impacter le cours du projet (décision, ressources, opinion).
- Le niveau d’intérêt : son degré d’implication ou de préoccupation vis-à-vis du projet.
- Les craintes : les aspects négatifs potentiels perçus par la partie prenante.
Cette compréhension fine est la base d’un management de projet stratégique.
La matrice Pouvoir/Intérêt
La matrice Pouvoir/Intérêt est l’un des outils les plus utilisés. Elle positionne chaque partie prenante sur deux axes : son pouvoir (faible/fort) et son intérêt pour le projet (faible/fort). Cela génère quatre quadrants, chacun suggérant une stratégie d’engagement :

Le diagramme d’affinité avec les parties prenantes
Le diagramme d’affinité, également appelé diagramme des clients ou KJ (en référence à l’anthropologue Kawakita Jiro qui l’a créé) aide à regrouper des idées ou des informations ayant un lien commun. Ce dernier doit être défini de manière intuitive et créative et non relevé de la logique. Par la suite, vous pourrez établir une catégorisation des parties prenantes ayant des intérêts, des attentes ou des caractéristiques similaires. Cela permet de rationaliser les efforts de communication et d’engagement en développant des approches communes pour des groupes homogènes, simplifiant ainsi la gestion des parties prenantes.
Matrice d’affectation des responsabilités (Matrice RACI)
Bien qu’initialement conçue pour clarifier les rôles sur les tâches du projet, la matrice RACI (Réalisateur, Approbateur, Consulté, Informé) peut être adaptée pour définir le type d’interaction souhaité avec chaque partie prenante clé sur des aspects spécifiques du projet (exemple : validation de livrables, décisions stratégiques). Cela aide à formaliser les attentes en matière de communication et d’implication. Le chef de projet l’utilise pour préciser les interactions.

Les liens de chacun avec le projet
Au-delà des outils formels, il est essentiel de comprendre la nature du lien : la partie prenante est-elle :
- Insouciante : elle ne connaît pas encore le projet ni son impact.
- Résistante : elle a pris connaissance du projet, mais elle ne soutient pas ses objectifs ni son travail.
- Neutre : elle connaît le projet, mais elle reste un simple observateur.
- Soutien actif : elle connaît le projet et elle soutient ses objectifs et son travail.
- Leader : elle connaît le projet et participe de manière active à sa réussite.
Suivant la réponse qui en ressort, il peut être intéressant de déterminer la position idéale de l’acteur concerné (voir tableau ci-dessous) en fonction de son impact sur le projet. Par conséquent, des actions sont à établir afin d’y parvenir. Par ailleurs, les relations de chaque partie prenante avec les autres entités constituent une autre piste de réflexion stratégique. Cette analyse qualitative enrichit la compréhension globale nécessaire à un management de projet adaptatif et performant, y compris dans ses interactions avec le management fonctionnel.
Partie prenante | Insouciant | Opposant | Neutre | Soutien actif | Leader |
Partie prenante 1 | A | S | |||
Partie prenante 2 | A | S | |||
Partie prenante 3 | AS |
A : lien actuel
S : engagement souhaité
AS : lorsque la partie prenante a atteint le niveau d’engagement souhaité
Notez que ces différents niveaux d’engagement sont rangés dans l’ordre croissant. Cela implique que le changement de lien doit impérativement se faire dans ce sens. Autrement, les résultats ne pourront pas être positifs.
Prioriser, engager et superviser les parties prenantes au profit de la gestion de projet
L’analyse des parties prenantes n’est pas une fin en soi. Sa vraie valeur réside dans l’utilisation des informations collectées pour piloter activement les relations et intégrer ces considérations dans la gestion de projet globale. Le chef de projet doit transformer ces données en actions concrètes pour un management des parties prenantes efficace.
Priorisation des parties prenantes
L’analyse, notamment via la matrice Pouvoir/Intérêt, permet de hiérarchiser les efforts. Il est impossible de consacrer le même temps et la même énergie à toutes les parties prenantes. La priorisation assure que les ressources de communication et d’engagement sont concentrées sur les acteurs les plus critiques dans le but d’optimiser le management de projet.

Pour chaque partie prenante clé ou groupe de parties prenantes, il faut définir : quels messages transmettre ? À quelle fréquence ? Par quels canaux ? Quelles actions mener pour maintenir leur soutien ou atténuer leur opposition ? Ce plan contribue à une gestion proactive et structurée des acteurs impliqués dans le projet.
Anticipation des défis
L’analyse révèle les risques potentiels liés aux parties prenantes : résistance au changement, conflits d’intérêts, manque de ressources promises par un management fonctionnel surchargé, etc. En identifiant ces défis en amont, le chef de projet peut élaborer des plans de contingence ou des stratégies d’atténuation, rendant le management de projet plus résilient.
Construction des relations
Le management des parties prenantes ne se limite pas à la diffusion d’informations. Il s’agit de bâtir des relations de confiance. L’écoute active, la prise en compte des préoccupations (même si on ne peut pas toujours y répondre favorablement), la transparence et la régularité des échanges sont essentielles pour créer un climat de collaboration positif.

Surveillance et ajustement
Le positionnement et l’influence des parties prenantes peuvent évoluer au cours du projet. Un acteur initialement peu intéressé peut voir son intérêt croître, ou un allié peut devenir critique suite à un changement de contexte. Une veille constante et une réévaluation périodique de l’analyse et du plan d’engagement sont nécessaires pour adapter la stratégie de gestion des parties prenantes et pour instaurer un management de projet dynamique.
Intégration au plan de gestion global
Le plan de gestion des parties prenantes ne doit pas être un document isolé. Il doit s’intégrer au plan de management de projet global, en lien avec le plan de communication, le plan de gestion des risques, et même le plan de gestion des ressources. Les actions définies doivent être planifiées, suivies et faire partie intégrante du pilotage du projet.
En définitive, le management des parties prenantes est bien plus qu’une simple tâche administrative dans la gestion de projet. C’est une composante essentielle qui influence directement la trajectoire et l’issue d’une initiative. Identifier qui sont les acteurs clés, comprendre leurs attentes, leur pouvoir et leurs préoccupations, puis élaborer des stratégies d’engagement adaptées sont des étapes fondamentales pour tout chef de projet souhaitant maximiser ses chances de succès. De l’anticipation des risques à la mobilisation des ressources, en passant par l’alignement des objectifs et la facilitation du changement, une gestion des parties prenantes proactive et bien menée transforme l’environnement potentiellement complexe et conflictuel du projet en un écosystème collaboratif orienté vers un but commun. Intégrer cette discipline au cœur du management de projet, en lien étroit avec les réalités du management fonctionnel et des dynamiques organisationnelles, est un investissement indispensable pour naviguer avec succès sur les défis de tout projet ambitieux.